Trouver sa place // J’ai rêvé que je cherchais une place pour me garer autour de la gare de Nancy mais elles étaient toutes payantes. 7,77€ la journée. Où va le monde. Je tournais en rond dans la ville à la recherche d’un stationnement gratuit parce que non mais oh je vais pas payer cette somme là tous les jours pendant une semaine ça va me revenir plus cher que le billet de train faut pas exagérer. J’insultais les morts du patron d’indigo. Je fulminais contre la société capitaliste. Et qu’est ce qu’ils ont aujourd’hui à tous conduire comme des poutres ça commence à me chauffer. Je ratais mon train. Foutue pour foutue j’appelais la sncf pour me faire rembourser mais on me disait que les remboursements étaient acceptés jusque 3 minutes avant le départ du train et là on était à une minute alors non désolée madame c’est pas possible merci au revoir.….Ça valait le coup de dormir. Vraiment. Clap clap clap.Note à mon cerveau : la prochaine fois donne moi du Josh Hartnett post-2015, de l’argent à plus savoir quoi en faire, le corps de Kendall Jenner, j’en sais rien merde mais fais moi un peu plus rêver par pitié. Même un vol en ULM je prend.
Lettre à un officier d’état civil. Pour June. // Je ne connais aucune Julie. Par contre, j'ai pour amie une June depuis de nombreuses années June C. Nous nous sommes rencontrées sur les bancs de l’école. Jamais je ne l’ai appelée autrement. A l’époque je me souviens d’une jeune femme sensible qui se cherchait un peu. Tout bien réfléchi, elle cherchait beaucoup de choses à ce moment-là. De l’assurance, des amis (elle m’a écrit pour me demander d’en être), de la confiance en elle, de l’amour, de la reconnaissance mais si il y a bien une chose qu’elle avait trouvé et qu’elle ne cherchait plus c’était son prénom. Droite dans ses bottes, sûre d’elle : “mes parents m’ont appelé Julie mais mon prénom c’est June”. Depuis le jour de notre rencontre presque 15 ans ont passé et tout le reste elle l’a trouvé. Elle est June, l’incarnation de ce prénom qui sonne à mes oreilles comme une note douce, précieuse et poétique. “Julie” m’évoque une femme plus terre-à-terre et plus sévère qui m’est parfaitement inconnue. “Julie” est un costume trop étriqué pour elle qui la contraint et ne lui va pas très bien. Chacun ses goûts me direz vous mais tout son entourage est unanime sur ce point, “June” lui va mieux. Elle y retrouve de la souplesse, du confort et de la légèreté. Ce costume-là est une seconde peau. Il est fait pour elle. Taillé sur mesure. On l'appellerait Julie comme on rappelle à l’ordre son enfant lorsqu’il fait une bêtise, lui que nous gratifions d’ordinaire de noms doux et inventés. “Julie ! Descend de là tout de suite !”. Et comme June n’est plus une enfant, n’a rien à se reprocher et n’a plus besoin de se faire gronder, autant se débarrasser tout de suite de ce prénom inutile. J’ai une preuve irréfutable à vous apporter, vous pourrez essayer par vous-même si vous avez l’occasion de la rencontrer un jour : Appelez-la par son prénom d’origine. C’est assez cocasse, elle ne se retourne pas, ne redresse pas la tête, pas même un frémissement d’oreille. Nous sommes deux dans la pièce mais il lui paraît plus probable qu’une Julie transparente se cache quelque part entre nous plutôt que ce soit à elle que je m’adresse. Ma June. J’ai appris il y a peu que son compagnon souhaitait l’épouser à une seule condition : qu’elle soit une June pour de bon, sur le papier, écrit noir sur blanc entre deux pages de registre d’état civil. Lui non plus ne connaît pas de Julie, on n’épouse pas une étrangère, je le comprends. Que cet ultimatum ne vous paraisse ni étrange ni cruel, c’est une preuve d’amour de Maxime à June. Un véritable cadeau quand on y réfléchit à deux fois. “Autorises-toi enfin le droit d’être toi-même et s’il te faut une carotte au bout d’un bâton pour t’aider à sauter le pas et changer de prénom alors soit, je coifferais cette carotte d’une étoffe de tulle”. Mes mots
Matthieu, la morgue et les falaises d'Etretat // Il est mort pour elle, à ses yeux précisons. C’est ce qu’elle s’est dit après deux semaines sans réponses. Elle a bien vérifié dans le fichier des personnes disparues mais y avait rien. Elle est bien allée à la morgue pour voir de ses yeux vus mais ne l’a pas reconnu. Alors elle l’a imaginé mort quelque part au fond d’elle. AVC entre son cœur et sa trachée, par là dans la poitrine. Elle se dit que ce truc qui pèse un âne mort et qui l’étouffe ça ne peut être que son petit cadavre à lui. Il s’est éteint à coup de silences. Ce qu’elle souffre et comme elle pleure. Tellement elle pleure qu’elle se déshydrate. Alors elle se demande. Un deuil sans défunt, ça se fait comment ? On les dépose où les fleurs en plastique ? Peut-on pleurer sur la tombe de personne ? Ici ne repose pas Matthieu, un peu mort quand même de l’avoir trop négligée. Peut-on prier pour que quelqu’un jamais parti puisse revenir ? Le signe de croix c’est dans quel sens ? Elle ne connaît ni cantiques ni kaddish, se dit que son athéisme manque cruellement d’espoir et de magie. Au fait, combien de temps les veuves du Sud portent-elles le noir ? Au boulot on lui dit que ça lui va bien au teint… Pour la partie dramatique elle a la falaise mais pas les cendres qui vont avec, tant mieux un coup sur deux ça vous revient dans les yeux. Y a plus qu’à s’y jeter elle pense. Elle a pas non plus de mère endeuillée à serrer fort dans ses bras. “Je suis désolée pour votre perte. Votre fils était un homme bon avec une bite formidable.”. Et elle le récite à qui ce discours tout appris qui loue sa beauté en taisant tout le reste. Pour le crématorium elle avait choisi Véronique Sanson (Vous n'êtes qu'un petit voyageur que l'amour m'a envoyé pour que batte mon cœur et qu'il arrive à l'heure) mais pas sûr que sa femme soit d’accord. 150€ la plaque funéraire hors TVA. “Tes mains manquent à mes seins”. Ça fait cher les lamentations. Elle se demande si de crever de désamour ça donne des jours d’ITT. C’est vrai, elle se sent morte de l'intérieur. C’est peut-être elle qu’il faudrait enterrer après tout mais à faire soi-même c’est pénible. Creuser son trou à la limite mais pour ce qui est de reboucher ça devient le bordel, elle oublie l’idée. Au bout du compte son corps fatigué d'avoir trop supporté s'endort lourdement sur un linceul de kleenex mouillés. “Coucou chou, dsl j’ai bossé comme un dingue. Dispo la semaine pro ?”
Voyage Metz-Moûtier. Florilège. // Je sais pas si ça sent le club sandwich jambon-emmental ou le pet. / Symphonie de papier alu. Vibrato mezzo de sac plastique. Prélude de sachet congel en La Mineur. Il est midi dans le TER. / Affamée, un homme m’a nourri de chips au fromage et d’un quart de clémentine. Il m’a dit « si j’avais su j’aurais partagé mon sandwich avec vous ». Ça m’a émue. Avant de partir je lui ai offert un poème d’Aragon. / Derrière chaque baie vitrée de pavillon il y a une femme débordée qui plie son linge. / DÉBORDÉE. Comme un lit foutraque aux draps froissés dans une chambre pas aérée. / Et donc faire son lit tout en étant débordée soi-même est-ce que ça créée pas un big bang quelque part dans le cosmos ? / J’ai un certain talent pour le manque d’ambition et bac+35 en yaourt franglais. / Vu à la gare deux victimes innocentes aux manteaux mouchetés de fientes. Les oiseaux en Savoie ils sont pas venus pour enfiler des perles. / À la sortie du quai y avait un homme avec une pancarte à la main qui attendait quelqu’un. J’ai lu Partouze. Je me suis dit, tiens original, c’est par où ? J’ai relu. C’était écrit Partouche.
Yodel impudique // Chez Justine la salle de bain donne les alpes en spectacle. Douche avec vue. Il y a dans ces montagnes les échos de mes seins seins seins seins.
Comme Bukowski // L’autre soir chose rare j’étais seule. Conjoint sorti. Enfant au lit. Seule je vous dit. J’avais imaginé que, portée par une inspiration transcendante, j’allais me poser à la table de la cuisine et écrire des choses épatantes. Erreur d’égo. Mauvaise appréciation de mon potentiel intellectuel. Rien n’est sorti. J’avais les mots coincés sous les ongles. Après de longues minutes à fixer mon carnet dans le blanc de la page j’ai eu une idée lumineuse (aux premiers abords). Je me suis dit : « Bois. Fous-toi un caisson comme Gainsbourg et Bukowski savent le faire, tu verras sur un malentendu ça peut faire des merveilles. Enivrée par les degrés somme toute élevés d’une bouteille piochée au pif (pardon chéri j’espère que c’était pas ton whisky japonais) ta colère et ce qu’elle peut générer de beauté resurgiront du vide comme autant d’éclats de génie. »Que dalle, nada, que tchi, walou, chipette. J’ai fixé la crédence gris-moche avec un air d’imbécile finie pendant un temps qui, lui, m’a semblé infini. J’ai fumé 8 clopes (pardon maman). J’ai oublié de manger. J’ai écrit un poème qui n’était pas de moi. Bref. Je me suis couchée à 22h -thug life-, ivre et parfaitement affamée. La vie de bohème. Le Goncourt les gars c’est pas pour demain. Note à mon père parfois trop 1er degré qui je le sais me lis : rassure-toi j’ai bu un verre de pinard et un autre de digestif. Il faut mettre de la distance entre ce que je vis et ce que j’écris. Sans emphase j’aurais rien à dire. Je t’aime. Note à ma mère : Non je fume plus, promis j’ai arrêté. Je t’aime. Note bis à mon père : Oui bon t’étais pas au courant mais quand je bois je fume. La plupart du temps, c’est à dire quand je ne suis pas avec vous. Et comme je bois tous les jours ma mère s’inquiétait de mon tabagisme. Note à mon père bis bis : Mais non allez tu sais que je bois pas tous les jours. Un sur deux. C’est tout. Note à mes parents : laissez-moi tranquille à la fin.
Jean Pierre // Je suis dans le train pour Paris parce qu’aujourd’hui je vais parler de toi. De cette absence qui t’appartient sans que tu l’ai jamais possédée. Plus précisément je vais parler de ta mort tandis que naissait mon fils. D’un bout à l’autre la vie et moi qui chancèle au milieu sur le fil. Je réfléchis à ce que je pourrais dire lors de cet entretien. Comment raconter cette place que tu occupes malgré toi. Serait-il plus juste d’évoquer ton silence par le silence ? J’ai peu dormi. Je suis fatiguée. L’épuisement réveille ma sensibilité. Ton souvenir ce matin suffit à m’inonder les yeux. En partant toute à l’heure j’ai senti ton parfum dans le hall de la gare, drôle. … le plus paradoxal dans tout ça c’est de comprendre que seule la mort donne une valeur à la vie (Sarah Aubel, professeure émérite au département de la philosophie de comptoir). Ce que je veux dire par là c’est que d’elle seule dépend l’élan vital, celui qui nous pousse à nous lever chaque matin, qui nous permet de tomber amoureux, d’être en appétit. Tu ne le sauras jamais mais ta disparition m’a encouragée à prendre des décisions capitales, d’autres plus légères mais qui prennent toutes la même direction, celle de l’urgence de vivre. Parce que j’ai compris. J’ai regardé la mort dans les yeux pendant des semaines. J’ai cohabité avec ta souffrance. J’ai été témoin de l’angoisse abyssale de celui qui sait. Celui qui comprend qu’il n’y a plus d’autres chemins possibles, que les détours et les contre-sens sont révolus. Poussé à coups de pieds au cul vers la porte de sortie par un vigile de l’existence qui n’a pas du tout envie de se marrer et qui n’a pas pour habitude de transiger avec le règlement. Rien d’autre qu’une ligne droite comptée en heure, en nuits, en repas. J’ai entendu ton cri et perçu en lui l’extrême solitude de celui qui meurt. Pour tout ça je vivrais. C’est une promesse que je te fais.
Mon Cochon // Il faut d'abord que je me justifie. Commencer par ça. J'ai rêvé d'une guerre mondiale, d'obus qui déchirent le ciel, d'immeubles éventrés, de fuite et d'angoisse. Les Ukrainiens ces salauds ! (faudra qu'on lui explique à la p'tite dame, elle a l'air confuse sur l'actualité). Passer de nuit par les départementales, lentement, tous phares éteins, remplir des bidons d'essence juste au cas où, prendre le minimum et tout laisser derrière soi. Rien d'autre ne compte que nos peaux. Se terrer pendant des jours sans se faire ni entendre ni voir, cesser d'exister aux yeux des autres. Je peux, je crois, rajouter Survivaliste à mon CV. Mon fils était raccord il a passé une nuit épouvantable. Peur du loup, peau qui gratte et mal aux pieds. Mon corps a fait le ping pong entre notre lit et le siens. Ma tête je ne sais pas trop où elle était. Occupée à faire la guerre sans doute. Ce matin en me réveillant j'avais une oreille au milieu du front, les yeux dans les cheveux et le nez dans la bouche (pas dingue), c'était le bazar. Bref. J'ai déposé Marcus à la crèche au moment où la directrice saluait les puéricultrices. Mon cerveau a dit "Bisous mon poussin !" ma bouche a hurlé "Bonne nuit mon cochon !!", devant tout le monde. La journée commence bien.
Je ne vous souhaite pas d'être heureux // Bonne année à tous ! Je vous souhaite d'arrêter de vous cogner les orteils aux pieds des meubles. D'arrêter d'insulter lesdits meubles ils n'y sont pour rien. De ne pas lire la saga Game of Thrones jusqu'au tome 13 avant de vous rendre compte que c'est pas terrible. De ne jamais attraper l'accent Lorrain au risque de dire un jour : Comment qu'c'est gros, ça ghèts ? Y a l'Fred qui t'attend pour grailler entre midi et dis voir j'tai mis les schmerres dans l'cornet sur la clanche.". Je vous aurais prévenus. D'arrêter de fumer pour la 88e fois, c'est l'intention qui compte. D'éviter la part avec la fève, je dis ça pour vos dents. De continuer à chanter très fort dans votre voiture, surtout en covoiturage ça créé du lien. De ne pas boire l'eau du robinet pendant votre voyage en Thaïlande. De mettre moins de 3 mois pour remplir vos fiches d'impôts. De ne pas oublier une chaussette rouge dans votre machine de blanc. De ne pas verser de rouge dans votre verre de blanc. De ne pas confondre sucre et bicarbonate de soude, dans les gâteaux c'est pas très bon et dans la lessive c'est inutile. D'assumer enfin vos goûts musicaux, Johnny n'a jamais tué personne, enfin je crois. Pour le bonheur, la réussite et la santé on va faire ce qu'on peut. Je vous embrasse.