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On est intimes vous et moi. C’est ce qu’il me plaît d’imaginer en tout cas. Je peux vous raconter alors. Lorsqu’on m’a proposé, en riant un peu, d’aller photographier une usine de plaques d'égouts, je me suis enthousiasmée. “Ça va me changer”. La veille au soir je shootais sur les toits de Paris pour un groupe de luxe. A ce stade ce n’est plus de la souplesse mais de l’écartèlement en bonne et due forme, il faut croire que j’aime ça. Ce que je n’avais pas prévu toutefois c’est que je devrais me lever à 5h du matin après une nuit très courte et qu’à la dite heure un petit signal interne allait me susurrer “tout ne va pas se passer comme prévu mon amie”. 5h15. Les tripes en l’air. Les toilettes comme unique voie de salut. Le signal interne ne s'était pas trompé. Après deux faux départs avant de me lancer dans les rues de Paris pour attraper mon train, la sueur au front, moi l’athée je me suis mise à prier. Pourvu que. Pourvu que. Pourvu que. Et ce moment étrange où j’ai commencé à scruter la rue à la recherche d’un endroit de secours “au cas où” est arrivé. Ce n’était plus de la solitude que j’ai ressenti à cet instant précis, c’était un gouffre. L’humanité m’avait abandonnée. Je me suis imaginée accroupie au-dessus d’une poubelle, la culotte sur les chevilles. “Vous inquiétez pas, tout va bien !”. L’image était folle. Et j’ai prié plus ardemment encore. Arrivée à Nancy. 8h. -5 degrés, ressenti moins -45. Alerte verglas. La place Stan convertie en patinoire géante. J’ai trempé mes chaussettes en me prenant pour Gabriella Papadakis après un triple axel vaillamment effectué, mais sans jurés, dommage. Au bout de deux minutes mes orteils étaient paralysés, prêts à tomber me semblait-il. Rajoutons à ça 30kg d’affaires sur le dos, une averse glacée qu'était pas sur la liste des invités, l’estomac qui ne savait pas s’il sortirait côté cour ou côté jardin et moi dans la rue en quête de plaques d’égouts. Je me suis dit que ça ne pouvait pas être pire. Si, ça pouvait. Re-train. 10h. Pont-à-mousson. Rien que le nom donne envie de sortir son k-way, c’est pas bon signe. L’usine est un dragon sans âge, recouvert de suie, qui hurle, pue et crache du feu sans discontinuer. Me voici dans le ventre du monstre, avec cette sensation de “qu’est ce que je fous là” tant appréciée dans d’autres circonstances transformée ce jour-ci en supplice. Je n’ai pas eu le temps de souffler qu’on m’avait déjà claqué des lunettes de sécu, un casque de chantier, un gilet fluo et une paire d’écouteurs (pour entendre mon interlocuteur au milieu du vacarme). En plus d’être en vrac du dedans j’étais maintenant en vrac du dehors. Putain, la vie des fois. J’ai tenu bon comme le soldat Ryan. Je me suis rendue à ma 3e prise de vue de la journée, pas vaillante et me suis endormie dans un fauteuil de théâtre. Je tire 3 leçons de cette journée. Je suis prête à faire le Vietnam. Dieu existe peut-être. Mon intégrité tient dans une gélule d’imodium. Sur ce, bonne journée et prenez soin de vous.

Dans les coulisses de Dior, Anthony Vacarello, Alexandre Vauthier et Stella McCartney. C’était pour Vogue et le NewYork Times, il y a plus de 10 ans. Le premier m’a démolie, le second m’a reconstruite. Je n’ai jamais cru au karma. Malgré tout quand la rédactrice tyrannique avec laquelle j’avais travaillé s’est fait virer du jour au lendemain j’ai hurlé CHEH! si fort qu’on m’a entendue jusqu’au sommet de l’Himalaya. Je n’ai jamais cru au karma parce que si la sentence était proportionnelle à la faute elle aurait payé bien plus cher le prix de son mépris. Je n’ai jamais cru au karma parce que si c’était moi la Vie et que j’avais pû choisir elle aurait mérité d’avoir la calvitie de Michel Houellebecq avant 35 ans, de marcher dans la m*rde chaque jour en sortant de chez elle, d’avoir le périnée distendu d’une mère de quadruplés (désagréments compris) et de confondre “Bonjour” avec “Colles-en moi une” jusqu’à la fin de ses jours. Mais bon, comme c’est pas moi qui décide elle s’est juste fait licencier.Depuis j’ai travaillé avec des gens incroyables qui m’ont fait confiance et m’ont traitée avec égard. Les fashion weeks ont été un terrain de jeux sans limites pendant plusieurs années et m’ont ouvert les portes du milieu dans lequel j’évolue aujourd’hui. Je songe parfois à y remettre un pied, juste pour voir. Si tu es un.e jeune photographe et que tu es arrivé.e jusqu’ici retiens bien ceci : Y a pas de karma mais les efforts paient. Ne laisse jamais personne décider à ta place de la valeur que tu as. Peu importe son statut. Défends-toi et vas-t’en sans préavis. L'argent est une chose (le manque d'argent bien plus encore) mais le respect que tu te portes à toi-même te rapportera les clients que tu mérites au fil du temps. J'aurais aimé entendre ça à mes débuts. J'aurais aimé avoir le courage de protester lorsque je me faisais écraser. Je ne fais aujourd'hui plus aucune concession dans mon travail et c'est épatant mais tout fonctionne mieux que jamais. Le pouvoir et la hiérarchie sont des concepts mis en place par des personnes avides et sournoises afin de profiter de la valeur des autres. On est tous arrivés à poil sur cette Terre et on finira tous de la même façon. Courage.

Je voulais vous parler de mon voyage à Doha pendant lequel je n’ai pas vu Doha en vous illustrant mon texte avec des photos prises dans cet aéroport où nous sommes restés coincés 4 jours en zone de transit (là où ils vendent des parfums qui sentent très fort et des adaptateurs de prises, vous voyez.). Figurez-vous que je ne retrouve pas les images. C’est à dire que non seulement je ne pourrais pas vous parler de Doha mais qu’en plus je ne pourrais pas vous montrer comment je n’ai pas vu Doha. Ce que je peux vous raconter en revanche c’est que nous n’avions pas toutes les informations en main lors de notre départ et que nous avons eu confirmation après 7h de vol que nous n’aurions pas de visa, que le shoot pour lequel nous étions engagés aurait lieu au coeur même de l’aéroport, aéroport que nous aurions interdiction formelle de quitter pendant près de 96h. A cette annonce une personne sur les 4 est devenue folle (elle se serait arraché les cheveux si elle en avait) et s’est mise à se taper le torse en criant, 2 ont essayé de négocier à grand coup de bakchiches (j’imagine) (ça n’a pas fonctionné) et moi j’ai regardé. Peu de choses me troublent. Je m’adapte à toutes les situations avec une placidité déconcertante. Mehran Karimi Nasseri avait tenu 18 ans à Roissy, j’allais supporter ces 4 jours au Hamad. 4 jours. Mais pas un de plus. Au bout de 2h mon colocataire dansait la rumba mexicaine en peignoir dans ma chambre. Ça allait être long. Puis nous avons appris qu’il nous faudrait présenter notre ticket d’embarquement pour régler n’importe quel achat et là ça s’est corsé. Partant 4 jours plus tard nous en étions dépourvus.Une bouteille d’eau ? Un ticket. Un sandwich ? Un ticket. Des tampax ? Un ticket. Je nous ai vus morts de faim et déshydratés, les côtes saillantes, étendus au sol entre la porte B12 (Kinshasa) et la porte B13 (Copenhague). Une image terrible. S’en fût trop pour mes coéquipiers qui prirent les choses en mains, à l’inverse de moi bien décidée à me laisser porter jusqu’au bout dans cette aventure. Après d'âpres négociations, nous eûmes finalement l’autorisation de manger. Merci bien.Puis en vrac : Simon est passé à 1 cheveux de se sectionner le tendon d’achille en faisant des haltères, on s’est baignés dans une piscine suspendue au dessus du Hall 2, pour faire rire les copains j’ai fait semblant de téléphoner avec la douchette dans les wc publics avant de comprendre à quoi elle servait, j’ai photographié un menu qui coûte l’équivalent d’un salaire moyen Hongrois, du coup je l’ai mangé et s’il n’était pas déjà mort j’aurais pu tuer mon grand-père pour en manger une seconde fois.Le premier air extérieur que nous avons pû respirer après 4 jours d’enfermement fut celui du périphérique parisien à notre sortie de Charles de Gaulle. On aurait dit 4 teufeurs sous acide tant l’hystérie nous emporta. Je ne pensais pas que les pots d’échappement me rendraient si heureuse un jour, il faut un début à tout. Bref, je suis allée à Doha.

6h. Train. Celui des gens qui travaillent « sur la capitale ». Dans mon wagon une « super team ». Tous les hommes portent des noeuds papillons en bois. Celui du leader grande-gueule-nature-peinture a des effets de pyrogravure. J’ai l’estomac retourné. Je ne sais pas si c’est le nœud pap’ en contreplaqué, la faim ou la pénurie de sommeil qui me frappe depuis plusieurs jours (ceux qui dorment trop sont priés d’en laisser aux autres, merci.). Probablement un peu des trois. Plus le groupe s'excite, plus je me tasse à l'intérieur de moi-même. J’enfonce si fort mes écouteurs dans mes oreilles qu’ils vont finir par se croiser et faire un nœud derrière mes yeux. J’aurais l’air bête, faut que j’arrête. RDV place Vendôme. Le jour se lève. J’ai 1h d’avance. Quand j’étais jeune (Je l’étais davantage hier que je ne le suis aujourd’hui, je m’octroie le droit de parler comme une ancêtre.) et que je vivais à Paris, à l’époque où j’avais encore le temps d’y flâner longtemps, j'aimais bien aller aux toilettes dans les palaces et les hôtels chics. Pas tous les jours, on s’entend mais lorsqu'une envie insoutenable me tiraillait la vessie, entre l’hôtel Georges V et un bistrot mon choix était vite fait. Je recommande cette activité. C’est toujours propre, ça sent bon et j’aime cette sensation de n’avoir rien faire là où je me trouve. Ces pauses pipi occasionnelles m’ont permis de connaître par cœur les trésors cachés derrière ces façades qu’on ne franchit jamais quand on vient de mon milieu (ce milieu qui n’a pas la moitié de son salaire voire son salaire tout entier à dépenser dans une nuit d’hôtel). J’ai donc 1h d’avance, il fait -5 degrés, le vent souffle (..sur la Bretagne armoricaine, je jette un dernier regard sur ma femme, mon fils et mon domaine)(c’est insupportable de se couper la parole à soi-même, je suis très dissipée ce matin) et comme je suis une fine connaisseuse je sais qu’à 2 minutes de là, au Westin, on peut y manger le petit-déjeuner sans être client de l’hôtel. J’ai donc claqué 27€ dans une verveine, un demi-avocat, deux œufs pochés et une tranche de saumon. C’était absurde.Pour finir, et c’est pour cette raison que j’étais à Paris, j’ai shooté toute la journée dans un lieu ultra sécurisé pour un projet secret qui sera révélé dans un délais flou. Même moi ça m’intrigue. Voila. Je vous embrasse bien fort. Bon week-end à vous.PS : En me relisant je réalise qu'au delà de Paris je fréquente les toilettes de tous les palaces qui croisent ma route. Madrid, Courchevel, Genève, Rome, Milan. Aucun ne m'échappe. Je regrette d'avoir mis un terme à ma psychanalyse.

J’aimerais bien savoir comment ça fait de ne rien espérer de nouveau le 1er janvier. Qu’il soit un jour semblable aux autres. Que cette étape soit aussi discrète que lorsqu’on passe d’août à septembre. Sans célébration ni symboles. Commencer l’année sans espoirs, sans attentes et sans plans. Parce que là je suis allongée dans un lit qui n’est pas le miens et je me dis « eeeet voilà je commence l’année avec une gueule de bois c’est foutu pour moi» alors que d’ordinaire ç’aurait été une gueule de bois comme les autres. Et je me met la pression parce que toute la journée je vais me dire « ça c’est le premier truc que je mange de l’année », « ça c’est la première musique que j’entend de l’année », et si ça tombe sur un Pitch et Gérald De Palmas je vais y voir un signe, me dire que mon année va être difficile. Et j’envie ceux qui ont du fric ou de l’audace et qui partent à Courchevel ou à Rio de Janeiro pour le nouvel an. Je me dis « rah, eux ils vont forcément passer une bonne année », parce qu’ils se baignent dans une eau à 26 ou marchent dans la neige pile ce jour là. J’aimerais que le 1er janvier soit un 24 juin.

OCTOBRE/ NOVEMBRE/ DÉCEMBRE (oui je sais) : Le Temps est passé. Je lui ai proposé un café-clope il m'a dit non vraiment c'est gentil faut que je file, j'ai pas une minute. Quand il est reparti j'avais pris 10 ans dans les dents. / J’ai assisté à un concert. Ça faisait longtemps. J’ai fermé les yeux tout du long. Mauvais investissement. / L’autre matin après avoir cumulé 10h de sommeil en 3 nuits, sur la route je me suis demandée si j’avais pas oublié quelque chose. J’ai fait une liste dans ma tête. L’appareil, ok. Les batteries, ok. Les cartes mémoires, ok. Mon corps. Et là j’ai eu un doute, un vrai doute. Le jour où je l’oublie vraiment, faites-moi signe./ A l’aéroport du Luxembourg ils ne vous souhaitent pas un “agréable vol” mais un “vol agréable” et ça change tout. / J’ai l’écriture vexée./ En route pour Chartres, c’était mal barré cette histoire. On m’a dit tu vas photographier une éleveuse de poules sans poules et pour ça faudra te lever à 5h du matin. C’est la fin d’année. J’ai accepté. Le chauffeur de taxi m’a assuré que Louis Vuitton avait une maison dans le coin et qu’il venait souvent faire du cheval. Puis il a continué en me disant que dans la Beauce ils avaient le taux de suicides d’agriculteurs le plus élevé de France. J’ai espéré que les miens soient toujours vivants. Ils l’étaient. L’agricultrice s’est présentée “Avant j'étais préparatrice en pharmacie mais j’ai toujours été attirée par les œufs, faudrait que j’en parle à un psychanalyste”. Finalement elle a bien voulu me montrer une poule. “On va l’appeler Lucie comme ma grand-mère” J’ai pas dit non. Dans le train retour “Au prochain arrêt, Jouy”. Je me suis dit qu’on m’avait jamais draguée aussi frontalement. / “Je peux pas partir sans avoir réparé quelque chose”, je pensais qu’elle parlait de notre histoire et de mes blessures. Elle a débouché mon lavabo. / “L’imprévu c’est pas trop dans mes prévisions” / Ce matin encore couchée, dans mon nez une odeur d’herbe coupée. / Et que si c’est pas sûr c’est quand même peut-être (Jacques Brel) / En entrant dans la salle de bain, “Tiens, qui est donc ce jeune mexicain androgyne un peu laid ?” C’était moi. J’ai dû confondre ma crème de jour avec un fertilisant pour gazon. Ma moustache est épatante. / J’ai un trou dans le cœur, je le nourris et le chéris il est la preuve que tu fus aimé.

Poire à lavement et sandwich au caca // Hier soir, en répondant à Sophie qui s’excusait de m’avoir traînée sous un déluge de tous les diables pour aller voir le Père Noël sur une péniche (what a good idea) je réalisais une chose : j’aime bien les plans galères.  En janvier dernier, toute seule à Deauville, après avoir dit adieu à un copain je me suis dit «Tant qu’à être là, demain matin tu te lèves à 5h, tu fais une heure de route et tu vas regarder le lever de soleil du haut des falaises d’Etretat. »  J’avais oublié 3 trucs : - Se lever tôt c’est chiant- En Normandie il pleut - Un lever de soleil en janvier t’oublies Après avoir sillonné les départementales biscornues, je suis arrivée dans le village encore plongé dans l’obscurité et j’ai toqué à la vitre du bureau de tabac pas encore ouvert pour supplier qu’on me vende un briquet. Le buraliste m’a sauvé la vie : “Oubliez l’idée d’aller en haut des falaises de nuit. Vous allez mourir.” Ce qui n’est pas con quand on y pense. Moi par contre je le suis assurément. (Et en plus il m’a vendu du feu, le brave homme. Mourir en glissant d’une falaise ou d’un cancer des poumons visiblement j’ai choisi mon camp et mon petit doigt me dit que c’est pas le bon. C’est un peu comme choisir entre une poire à lavement ou un sandwich au caca. Il n’y a pas de bonnes réponses, juste des intuitions. -slide 5-). J’ai poireauté une heure dans ma voiture sur le parking en attendant que le jour se lève parce qu’après un petit tour de nuit sur la plage à 6h du matin je me suis dit : si Guy Georges passe par là, t’es cuite ma p’tite. Ma témérité a ses limites. Merci Fabrice Drouelle.  Le ciel à peine éclairci je suis sortie de ma voiture et j’ai marché 2h en haut des falaises sous une averse comme seule la Normandie sait le faire, le corps frêle secoué par les bourrasques. J’étais seule, triste sans aucun doute, trempée jusqu’aux os, mon jean blanc plus si blanc que ça (souvenez-vous que je ne sais jamais m’habiller en fonction des circonstances) et pourtant c’était une des meilleures matinées de ma vie. Donc bonh… la petite averse d’hier ça va.

La Slovénie // Ça y est c’est la panique. Je faisais un peu plus la maligne la semaine dernière quand je suis arrivée la fleur au fusil à l’aéroport du Luxembourg. Heureuse et légère de partir en Slovénie, envoyée là bas dans le cadre d’un voyage de presse. J’avais rendez-vous devant la porte d'embarquement avec “mon” journaliste. A moi. Le mien. Mon journaliste. On se rencontre, on s’aime, on se suit partout, on se flatte, on se déchire parfois et au bout de 24h la mission terminée on ne se revoit plus jamais. C’est comme ça, c’est la vie. (Faudra que je vous parle un jour de mon voyage en Italie avec une journaliste qui me terrifiait tellement que je n’osais pas refuser lorsqu’elle me proposait de m’apprendre des postures de yoga TOUS LES SOIRS PENDANT UNE SEMAINE (je n’ai jamais fait de yoga de ma vie, j’ai la souplesse d’une poutre, je la soupçonnais d’être maîtresse SM du genre à vous écraser les tétons avec ses talons aiguilles en riant aux éclats. Imaginez la pression. Un enfer.)) Dans d’autres situations mon journaliste s’est appelé François, Catherine, Julie ou Pierre, mais ce jour-là et pour les 4 à venir ce sera Franck. Lui et moi sommes liés par notre mission. Il écrit, je photographie. Les Bonnie & Clyde de la rubrique Terroir de Télé Star c’est nous. Franck m’attendait face à la baie vitrée, “je regarde les avions qu’on ne voit pas”. Un brouillard dense nous enveloppait ce matin là, on n’y voyait pas à 5 mètres sur le tarmac. Le problème c’est qu’au bout de 2 minutes Franck me demanda pour qui j'écrivais. “Comment ça pour qui j’écris ? T’es pas mon journaliste ?” “Non, moi je bosse pour Vosges Matin”. “Ah. Merde.” Persuadée que la rédaction s’était trompée en m’envoyant seule là bas et que je n’avais donc par conséquent rien à faire ici, je les appelais un peu paniquée et raccrochais encore plus décomposée. “Aucun journaliste ne t’accompagne, tu nous feras une note d’intentions”. La voilà donc la panique. Je suis rentrée. Les photos sont faites. Pas trop mauvaises je crois. Envoyées hier, même. Eric le rédacteur en chef attend maintenant mes notes. Je lui ai promis. Une promesse ça s’honore. La vérité c’est que durant ces 4 jours, accompagnée 18h/24 par une guide… la vérité… la vérité c’est que je n’ai rien écouté. Voilà c’est lâché. Je suis la même qu’il y a 25 ans en CM2. Plus il faut être attentif, moins je le suis. Plus on me dit “tiens-toi droite !” plus je me courbe. Ce n’est pas une histoire de rébellion ou de volonté, c’est dans ma constitution.Au sujet de ma concentration je tiens tout de même à me dédouaner un peu. Premièrement mon anglais n’étant pas excellent, avec l’accent Slovène on n’est pas partis sur de bonnes bases lui et moi. A peine arrivés, dans le van qui nous transportera toute la durée du séjour, la guide nous parla d’emblée de Drug Trafic. Direct. Cash. Elle est comme ça. “On emprunte les petites routes pour se rendre dans la vallée parce qu’avec le trafic de drogue, causé par notre proximité avec la Méditerranée, parfois sans prévenir on se coltine des embouteillages monstrueux.” Elle reprend quelques minutes plus tard “ Le trafic de drogue est hyper dense en Slovénie, nous sommes une plaque tournante Européenne.” Vraiment sans langue de bois cette petite dame. Puis rebelotte: “Ils ont goudronné toutes les routes par ici, volonté du gouvernement, fallait faciliter la circulation de la drogue.” Bien bien, de mieux en mieux, duplicité de l'État. Incroyable. Mon séjour bucolique en Slovénie s’annonce un peu plus thug que dans mes prévisions. Tant mieux. Sauf qu'à mesure que mon étonnement grandissait des doutes survenaient, je suis un peu neuneu mais j’ai mes limites. Puis soudainement j’ai compris. Truck Trafic pas Drug Trafic. Camions. Pas drogues. Sarah…J’ai enterré du même coup mes espoirs de vivre un séjour en mode Cartel & Cocaïne et l’appréciation que j’avais de mon niveau d’anglais. Double peine. Deuxièmement il faut savoir qu’un dicton de là-bas dit “Le meilleur moyen de rendre un slovène malheureux est de lui dire que vous avez soif en sortant de table”. (ou un truc comme ça, je vous l’ai dit juste avant j’ai pas compris grand chose).(Ils disent aussi que “l’amour passe par l’estomac” moi personnellement j’ai autre chose qui me passe par l’estomac et c’est pas demain la veille que je vais l’appeler mon amour, mais c’est un autre débat.) Toujours est-il qu’on a bu. Beaucoup. 12 verres de vin le premier jour après j’ai arrêté de compter. C’était pas un voyage de presse c’était un marathon du pinard. Je vous met au défi de travailler dans des conditions aussi terribles. Par politesse je ne voulais (et ne pouvais) pas cracher (la nature ne m’a pas dotée de ce don, je suis dépourvue d’élégance dès que j’essaie, en public j’ai arrêté). J’ai donc terminé chacun de mes verres. Ma conscience était tranquille et ma concentration, elle, un peu trop. 3e et dernier point (ça commence à être long, je voulais me dédouaner pas écrire un bouquin) : Ma guide. Adorable. Attentionnée. Cultivée. Ma guide, donc, dans le souci de nous en apprendre le plus possible en 4 jours, ne nous a épargné aucune information. “Sur votre gauche, Dacia, Renault, Citroën, des concessions automobiles” “Ah”. “Dans ce quartier les loyers sont à 600€ pour un petit deux pièces de 30m2, ça peut grimper jusqu’à 1000€ pour un 40m2”, “Le Triglav (plus haute montagne de Slovénie) culmine à 2864 mètres, 100m de plus que le Škrlatica, 1945 de moins que le Mont Blanc.” “Avant le séisme du 14 avril 1845 qui détruisit 10% de Ljubljana, ce bâtiment à votre droite était une fabrique de briques.” Au bout d’une journée mon cerveau était saturé. Plus aucune information n’a été foutue d’y rentrer. Me voici donc comprenant un mot sur deux et parfois dans le mauvais sens, saoule et le cerveau au Service Après Vente à devoir retenir des informations pour les restituer à mon rédacteur en chef. La belle affaire. Eric si tu me lis je te jure que la note arrive.P-s : Par souci d’anonymat j’ai modifié le nom de mon client. C’est dommage j’aurais bien aimé travailler pour Télé Star.

06/11/2023, 12h00, Metz / Après avoir traversé les vacances de la Toussaint telle une cycliste malvoyante et unijambiste au milieu d’un champ de mines, je me suis réservé 3 jours à Paris, entre amies. En préparant ma valise je réalise que je m’apprête à emporter des chaussures avec lesquelles je peux pas trop marcher, un collant dans lequel je peux pas trop rentrer et un pantalon que je peux pas trop fermer. Ca s’appelle mettre toutes les chances de son côté pour passer un séjour compliqué. S’ajoutent à ça une jupe qui me remonte sous les aisselles dès que je fais 10 mètres, une robe incroyable quand il fait 28 degrés, il en fait 20 de moins et un appareil photo étanche (je n’ai pourtant pas prévu d’aller à la piscine) qui ne fonctionne pas. Appréciant le goût du risque et de l’aventure, je décide de n’en rien changer. Au pire, quelle désolation, je serais obligée de m’acheter des fringues sur place, vraiment : la plaie.Dans un effet d’énergie contraire je prévois néanmoins 5 slips à la place de 2. 5 slips à la place de 2 en me disant “on sait jamais”. Mais on sait jamais quoi, Sarah ? Peut-être l’espace d’une fraction de seconde ai-je envisagé qu’un pickpocket fétichiste m’en chourre une incognito dans le métro ou qu’en rentrant d’une soirée échangiste imprévue je me tape le front du plat de la main en m’écriant “ Merde ! J’ai encore oublié ma culotte !”. Je vieillis. Je deviens prévoyante ne laissant ainsi aucune place aux déconvenues. Ainsi soit-il. Ayant d’autres combats à mener, je capitule. 12h45, Metz / Tout en bouclant ma valise je suis submergée par une vague d’excitation qui me stoppe net dans mon entreprise et me pousse à effectuer presque contre mon gré une choré sortie tout droit du vortex des années 90. (celle qu’on fait à minuit le samedi soir dans nos tenues de défilés DIY en papier-cul et sacs poubelle devant nos parents et leurs invités ivres au milieu d’un salon où on ne voit pas à 2 mètres faute aux Marlboro sans filtre). Allez savoir pourquoi, soudainement j’ai 8 ans. Ce qui ne m’aide ni à finir ma valise, ni à ranger ma cuisine, ni à changer mes draps. Je ne ferais aucun des trois. Ce doit être très incommodant d’être excité tout le temps. 07/11/2023, 03h00, Paris / Les filles sont là. Je le réalise à peine. A l’heure qu’il est il y en a une assise à côté de moi sur le lit, dans le noir, qui fait sa méditation en tripotant son collier de noix de cajou depuis 20 minutes (je l’ai retrouvée dans la même position le lendemain matin. La légende ne dit pas si elle est restée comme ça toute la nuit ou si elle s'est couchée pour dormir) et l’autre en bas qui se coltine une pré-gueule de bois sortie de nulle part et qui s’accroche à son lit qui tangue telle une naufragée sur le radeau de la méduse. C’est deux salles deux ambiances pourtant on est dans un studio. Entre celle qui médite et celle qui vomit je m’endors heureuse.

SEPTEMBRE : J’ai rêvé que j’étais carriériste. Pas dans le succès. Dans le cailloux. / “Maintenant les gens se rencontrent puis ils baisent. C’est plus comme avant. Moi j’ai attendu l’homme parfait. Bon, il était juif c’était pas prévu au programme mais ce fut formidable.” / 6h du matin. Paris. Taxi. J’aimerais que ce trajet ne finisse jamais. Puis je réalise que ça me coûterait une fortune. Note pour plus tard : rêver dans le bus. / Ses regards ne regardent que moi (Julien Clerc) / Un mec dans la rue a demandé à un autre “ Ça va ? Bien dormi ?” alors comme je me sentais seule j’ai imaginé que je lui répondais non figure-toi j’avais mis mon réveil à 5h du matin puis la veille au soir en m’achetant des chaussettes au Monop j’avais aussi pris de la mousse pour le bain et un masque pour le visage et que du coup c’était pas une bonne idée de se lancer dans cette affaire là quand il est 23h et qu’on doit se lever tôt puis qu’il avait fait sacrément chaud dans la mezzanine ça m’avait collé un mal de crâne pas possible parce que j’avais oublié de me monter un verre d’eau et boire c’est important même la nuit faut être prévoyant. Ça m’a fait plaisir d’avoir de la compagnie. / J'ai connu un homme aux semelles de mazoute. / Bizutage : Les miens s’appelaient Samir, Momo et Farid mais ils auraient tout aussi bien pû s’appeler Lucas, Antoine et Benjamin. A quelques poils près, tous les trous du cul se ressemblent. / Elle et moi on est championnes olympiques du relai de déprime sur 400m. / “J’ai le pâté qui touche la boîte.” / Y a quand même pas plus grand paradoxe dans l’humanité que de réfléchir deux mois à l’avance aux tenues qu’elle portera dans un camping naturiste.