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Pont-à-Mousson

  -  .   -  Pont-à-Mousson

On est intimes vous et moi. C’est ce qu’il me plaît d’imaginer en tout cas. Je peux vous raconter alors. Lorsqu’on m’a proposé, en riant un peu, d’aller photographier une usine de plaques d’égouts, je me suis enthousiasmée. “Ça va me changer”. La veille au soir je shootais sur les toits de Paris pour un groupe de luxe. A ce stade ce n’est plus de la souplesse mais de l’écartèlement en bonne et due forme, il faut croire que j’aime ça. Ce que je n’avais pas prévu toutefois c’est que je devrais me lever à 5h du matin après une nuit très courte et qu’à la dite heure un petit signal interne allait me susurrer “tout ne va pas se passer comme prévu mon amie”. 5h15. Les tripes en l’air. Les toilettes comme unique voie de salut. Le signal interne ne s’était pas trompé. Après deux faux départs avant de me lancer dans les rues de Paris pour attraper mon train, la sueur au front, moi l’athée je me suis mise à prier. Pourvu que. Pourvu que. Pourvu que. Et ce moment étrange où j’ai commencé à scruter la rue à la recherche d’un endroit de secours “au cas où” est arrivé. Ce n’était plus de la solitude que j’ai ressenti à cet instant précis, c’était un gouffre. L’humanité m’avait abandonnée. Je me suis imaginée accroupie au-dessus d’une poubelle, la culotte sur les chevilles. “Vous inquiétez pas, tout va bien !”. L’image était folle. Et j’ai prié plus ardemment encore. Arrivée à Nancy. 8h. -5 degrés, ressenti moins -45. Alerte verglas. La place Stan convertie en patinoire géante. J’ai trempé mes chaussettes en me prenant pour Gabriella Papadakis après un triple axel vaillamment effectué, mais sans jurés, dommage. Au bout de deux minutes mes orteils étaient paralysés, prêts à tomber me semblait-il. Rajoutons à ça 30kg d’affaires sur le dos, une averse glacée qu’était pas sur la liste des invités, l’estomac qui ne savait pas s’il sortirait côté cour ou côté jardin et moi dans la rue en quête de plaques d’égouts. Je me suis dit que ça ne pouvait pas être pire. Si, ça pouvait. Re-train. 10h. Pont-à-mousson. Rien que le nom donne envie de sortir son k-way, c’est pas bon signe. L’usine est un dragon sans âge, recouvert de suie, qui hurle, pue et crache du feu sans discontinuer. Me voici dans le ventre du monstre, avec cette sensation de “qu’est ce que je fous là” tant appréciée dans d’autres circonstances transformée ce jour-ci en supplice. Je n’ai pas eu le temps de souffler qu’on m’avait déjà claqué des lunettes de sécu, un casque de chantier, un gilet fluo et une paire d’écouteurs (pour entendre mon interlocuteur au milieu du vacarme). En plus d’être en vrac du dedans j’étais maintenant en vrac du dehors. Putain, la vie des fois. J’ai tenu bon comme le soldat Ryan. Je me suis rendue à ma 3e prise de vue de la journée, pas vaillante et me suis endormie dans un fauteuil de théâtre. Je tire 3 leçons de cette journée. Je suis prête à faire le Vietnam. Dieu existe peut-être. Mon intégrité tient dans une gélule d’imodium. Sur ce, bonne journée et prenez soin de vous.