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Jean-Pierre

  -  .   -  Jean-Pierre

Jean Pierre // Je suis dans le train pour Paris parce qu’aujourd’hui je vais parler de toi. De cette absence qui t’appartient sans que tu l’ai jamais possédée. Plus précisément je vais parler de ta mort tandis que naissait mon fils. D’un bout à l’autre la vie et moi qui chancèle au milieu sur le fil. Je réfléchis à ce que je pourrais dire lors de cet entretien. Comment raconter cette place que tu occupes malgré toi. Serait-il plus juste d’évoquer ton silence par le silence ? J’ai peu dormi. Je suis fatiguée. L’épuisement réveille ma sensibilité. Ton souvenir ce matin suffit à m’inonder les yeux. En partant toute à l’heure j’ai senti ton parfum dans le hall de la gare, drôle. … le plus paradoxal dans tout ça c’est de comprendre que seule la mort donne une valeur à la vie (Sarah Aubel, professeure émérite au département de la philosophie de comptoir). Ce que je veux dire par là c’est que d’elle seule dépend l’élan vital, celui qui nous pousse à nous lever chaque matin, qui nous permet de tomber amoureux, d’être en appétit. Tu ne le sauras jamais mais ta disparition m’a encouragée à prendre des décisions capitales, d’autres plus légères mais qui prennent toutes la même direction, celle de l’urgence de vivre. Parce que j’ai compris. J’ai regardé la mort dans les yeux pendant des semaines. J’ai cohabité avec ta souffrance. J’ai été témoin de l’angoisse abyssale de celui qui sait. Celui qui comprend qu’il n’y a plus d’autres chemins possibles, que les détours et les contre-sens sont révolus. Poussé à coups de pieds au cul vers la porte de sortie par un vigile de l’existence qui n’a pas du tout envie de se marrer et qui n’a pas pour habitude de transiger avec le règlement. Rien d’autre qu’une ligne droite comptée en heure, en nuits, en repas. J’ai entendu ton cri et perçu en lui l’extrême solitude de celui qui meurt. Pour tout ça je vivrais. C’est une promesse que je te fais.