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Voyage Metz-Moûtier. Florilège. // Je sais pas si ça sent le club sandwich jambon-emmental ou le pet. / Symphonie de papier alu. Vibrato mezzo de sac plastique. Prélude de sachet congel en La Mineur. Il est midi dans le TER. / Affamée, un homme m’a nourri de chips au fromage et d’un quart de clémentine. Il m’a dit « si j’avais su j’aurais partagé mon sandwich avec vous ». Ça m’a émue. Avant de partir je lui ai offert un poème d’Aragon. / Derrière chaque baie vitrée de pavillon il y a une femme débordée qui plie son linge. / DÉBORDÉE. Comme un lit foutraque aux draps froissés dans une chambre pas aérée. / Et donc faire son lit tout en étant débordée soi-même est-ce que ça créée pas un big bang quelque part dans le cosmos ? / J’ai un certain talent pour le manque d’ambition et bac+35 en yaourt franglais. / Vu à la gare deux victimes innocentes aux manteaux mouchetés de fientes. Les oiseaux en Savoie ils sont pas venus pour enfiler des perles. / À la sortie du quai y avait un homme avec une pancarte à la main qui attendait quelqu’un. J’ai lu Partouze. Je me suis dit, tiens original, c’est par où ? J’ai relu. C’était écrit Partouche.

Comme Bukowski // L’autre soir chose rare j’étais seule. Conjoint sorti. Enfant au lit. Seule je vous dit. J’avais imaginé que, portée par une inspiration transcendante, j’allais me poser à la table de la cuisine et écrire des choses épatantes. Erreur d’égo. Mauvaise appréciation de mon potentiel intellectuel. Rien n’est sorti. J’avais les mots coincés sous les ongles. Après de longues minutes à fixer mon carnet dans le blanc de la page j’ai eu une idée lumineuse (aux premiers abords). Je me suis dit : « Bois. Fous-toi un caisson comme Gainsbourg et Bukowski savent le faire, tu verras sur un malentendu ça peut faire des merveilles. Enivrée par les degrés somme toute élevés d’une bouteille piochée au pif (pardon chéri j’espère que c’était pas ton whisky japonais) ta colère et ce qu’elle peut générer de beauté resurgiront du vide comme autant d’éclats de génie. »Que dalle, nada, que tchi, walou, chipette. J’ai fixé la crédence gris-moche avec un air d’imbécile finie pendant un temps qui, lui, m’a semblé infini. J’ai fumé 8 clopes (pardon maman). J’ai oublié de manger. J’ai écrit un poème qui n’était pas de moi. Bref. Je me suis couchée à 22h -thug life-, ivre et parfaitement affamée. La vie de bohème. Le Goncourt les gars c’est pas pour demain. Note à mon père parfois trop 1er degré qui je le sais me lis : rassure-toi j’ai bu un verre de pinard et un autre de digestif. Il faut mettre de la distance entre ce que je vis et ce que j’écris. Sans emphase j’aurais rien à dire. Je t’aime. Note à ma mère : Non je fume plus, promis j’ai arrêté. Je t’aime. Note bis à mon père : Oui bon t’étais pas au courant mais quand je bois je fume. La plupart du temps, c’est à dire quand je ne suis pas avec vous. Et comme je bois tous les jours ma mère s’inquiétait de mon tabagisme. Note à mon père bis bis : Mais non allez tu sais que je bois pas tous les jours. Un sur deux. C’est tout. Note à mes parents : laissez-moi tranquille à la fin.

Jean Pierre // Je suis dans le train pour Paris parce qu’aujourd’hui je vais parler de toi. De cette absence qui t’appartient sans que tu l’ai jamais possédée. Plus précisément je vais parler de ta mort tandis que naissait mon fils. D’un bout à l’autre la vie et moi qui chancèle au milieu sur le fil. Je réfléchis à ce que je pourrais dire lors de cet entretien. Comment raconter cette place que tu occupes malgré toi. Serait-il plus juste d’évoquer ton silence par le silence ? J’ai peu dormi. Je suis fatiguée. L’épuisement réveille ma sensibilité. Ton souvenir ce matin suffit à m’inonder les yeux. En partant toute à l’heure j’ai senti ton parfum dans le hall de la gare, drôle. … le plus paradoxal dans tout ça c’est de comprendre que seule la mort donne une valeur à la vie (Sarah Aubel, professeure émérite au département de la philosophie de comptoir). Ce que je veux dire par là c’est que d’elle seule dépend l’élan vital, celui qui nous pousse à nous lever chaque matin, qui nous permet de tomber amoureux, d’être en appétit. Tu ne le sauras jamais mais ta disparition m’a encouragée à prendre des décisions capitales, d’autres plus légères mais qui prennent toutes la même direction, celle de l’urgence de vivre. Parce que j’ai compris. J’ai regardé la mort dans les yeux pendant des semaines. J’ai cohabité avec ta souffrance. J’ai été témoin de l’angoisse abyssale de celui qui sait. Celui qui comprend qu’il n’y a plus d’autres chemins possibles, que les détours et les contre-sens sont révolus. Poussé à coups de pieds au cul vers la porte de sortie par un vigile de l’existence qui n’a pas du tout envie de se marrer et qui n’a pas pour habitude de transiger avec le règlement. Rien d’autre qu’une ligne droite comptée en heure, en nuits, en repas. J’ai entendu ton cri et perçu en lui l’extrême solitude de celui qui meurt. Pour tout ça je vivrais. C’est une promesse que je te fais.